La collection d'Art Africain du Musée Rietberg à Zürich
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Dans la foulée de notre visite au Museum der Kulturen Basel (MKB) en fin d’année 2023 dont nous partagions les images avec vous dans le billet de blog précédent, nous vous proposons de gravir la colline verdoyante d’Enge où se situe la villa Wesendonck, sur les hauteurs de Zürich, pour y découvrir les chefs-d'œuvre d’art tribal africain du Musée Rietberg.
Bâtie dans les années 1850, cette demeure est le siège du Museum Rietberg dont les collections d’arts premiers font partie des plus grandes et des plus notables d’Europe. On y dénombre plus de 28 000 oeuvres.
Parcours d’Afrique
La collection d'art africain du Musée Rietberg constitue un élément important de ses diverses collections, présentant une riche gamme d'objets qui couvrent les diverses cultures et traditions artistiques du continent. La collection du musée comprend des objets provenant de diverses régions, offrant un aperçu complet des expressions artistiques des différentes communautés africaines. Nous allons donc découvrir un riche ensemble de masques d’Afrique de l’Ouest, suivi de véritables chefs-d'œuvre de République démocratique du Congo et du Gabon ainsi que quelques pièces du Cameroun et du royaume Bénin.
Les masques jouent un rôle important dans de nombreuses cultures africaines, souvent utilisés dans les rituels, les cérémonies et les spectacles.
La collection du musée Rietberg comprend une gamme variée de masques, chacun ayant sa propre signification symbolique. De plus, des sculptures en bois et en bronze sont présentées, illustrant la vaste diversité des formes et des teintes des arts premiers d’Afrique.
Arts et culture Senoufo
Les Sénoufo disposent d’une société secrète appelée poro garante de l'équilibre économique et des interactions sociales dans le village. L’association poro est composée d’hommes du même âge hommes qui s’isolent, à l’abri des regards des non-initiés.
Le poro n'a lieu que lors des rituels funéraires avec des masques impressionnants ainsi qu’avec les figurines degele : les hommes initiés, le corps enveloppé dans des linges en coton frappent de manière le sol avec les degele. Selon un rituel strictement réglementé, l’arrivée du membre de l’alliance dans le « village de l’au-delà » est annoncé. Le rituel symbolise le départ de l’âme du défunt vers le monde des ancêtres.
Arts et cultures des complexes ethniques de Côte d’Ivoire
Dans la plupart des villages Guro, Dan et Baoulé, différents personnages masqués dansent encore aujourd'hui. Il existe deux catégories de masques : les masques liés aux cultes exclusifs et ceux liés aux divertissements qui pouvaient être vus par toute la communauté.
Les masques utilisés dans les rituels appartiennent à certaines grandes familles ou associations d'hommes. Certains d'entre eux ne sont pas autorisés à être vus par des étrangers. Ils ne sont sortis qu'en cas de décès d'un membre respecté de la famille du propriétaire ou lorsqu'une occasion importante est célébrée dans le village. Pour ce faire, les femmes et les enfants sont préalablement avertis de rester chez eux pendant les danses masquées.
Le masque traditionnel deangle des Dan présente un visage féminin à l’esthétique rayonnante. Les masques deangle se produisent dans le camp d'initiation destiné aux garçons. Ceux-ci, afin de passer à l’âge adulte, partent vivre dans un camp à l’écart du village, séparés de leurs familles.
Art et culture Songye
Les figures tribales des Songye appartiennent au culte du nkishi et possèdent des pouvoirs conférés par les divinités. Les “statues de pouvoir” des Basongye sont magiquement chargées afin de prémunir leur propriétaire contre le mauvais sort et la maladie dans le cadre de rites divinatoires.
Il en existe de diverses dimensions. C’est le féticheur nganga qui accessoirise la statue pour en faire un fétiche magiquement chargé.
Dans le but de renforcer l'effet des figures nkishi, des accessoires leur sont ajoutés : on les trouve généralement au dessus du nombril où sied une cavité circulaire dans laquelle la charge est insérée.
Fréquemment, d'autres objets tels que des anneaux et clous métalliques, des miroirs, des peaux d'animaux, colliers de perles ou peau de serpent sont attachés sur la statue, en plus d’une patine souvent grasse suite à de multiples libations.
Art et culture Fang
Les statues traditionnelles des Fang siégeaient sur des boîtes en écorce dans lesquelles les ossements des ancêtres étaient conservés. Ces « gardiens de reliquaires » étaient régulièrement oints d’huile de palme, générations après générations.
Nombre d’entre eux, tels les exemplaires présentés dans les collections du musée Rietberg, portent encore les stigmates gras de ces applications répétées.
Les villageois honoraient également leurs défunts avec des offrandes afin d’obtenir leur soutien depuis l'au-delà.
Ces rituels funéraires furent proscrits et fermement combattus par l’autorité coloniale française au Gabon, jusqu’à leur abandon par les populations locales.
Ces statues Fang appelées eyema byeri font certainement partie des objets les plus célèbres de l’art africain. Leurs jambes courtes mais puissantes, aux muscles joliment sculptés, sont caractéristiques avec des cuisses et des fesses fortement accentuées.
De nombreuses variantes stylistiques existent au sein du corpus artistique Fang selon les régions et sous-groupes de l’ethnie.
La question de la provenance
Le Musée Rietberg est activement engagé dans des recherches de provenance depuis 2008, un processus par lequel il examine de manière critique non seulement sa collection mais aussi sa propre histoire.
La figure fondatrice de l'institution, le collectionneur Eduard von der Heydt, a longtemps dominé l'histoire du musée et les relations possibles entre le national-socialisme et ses acquisitions d'art de l'époque.
La période 1933-1945 qui concerne aujourd'hui la collection de l'institution a déclenché les recherches de provenance du Musée Rietberg. Cependant, d’autres histoires sur la collection ont émergé, liées au commerce mondial de l’art, à la violence du colonialisme et aux relations de pouvoir inégales.
Aujourd'hui, la recherche de provenances au Musée Rietberg se concentre largement sur les contextes d'acquisition dans les pays d'origine, sur la reconstitution des collections sources, sur le marché de l'art et sur les biographies des personnes impliquées dans tous les aspects du passé d'un objet.
Les œuvres d'art et les histoires sur leurs origines ne sont que le point de départ d'un examen approfondi, d'autant plus important que pratiquement aucune d'entre elles n'a été créée pour être exposée dans un musée. Une partie importante du spectacle est la reconstitution des chemins individuels qu'ils ont suivis pour y arriver.